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Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/296

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Je le voudrais bien ; si lui et moi et vous nous mourions tous ensemble, il ne resterait personne pour en avoir du chagrin et de la peine. Mais, ils feront ce qu’ils voudront, je ne les crains pas, mère.

— Ils ne vous feront pas de mal, dit-elle, d’une voix presque étouffée par ses larmes. Ils ne voudront pas vous faire de mal, quand ils sauront tout. Je suis sûre qu’ils ne vous en feront pas.

— Oh ! n’en soyez pas trop sûre, cria Barnabé, qui montrait un étrange plaisir à croire qu’elle se trompait, mais que lui, il avait trop de sagacité pour tomber dans la même erreur. Ils m’ont désigné, mère, dès le commencement. Je le leur ai entendu dire entre eux quand ils m’ont amené ici la nuit dernière, et je les crois. Ne pleurez pas pour ça, mère. Ils disaient que j’étais hardi, et je leur ferai voir jusqu’au bout qu’ils ne se trompent pas. On peut me croire imbécile, mais cela ne m’empêchera pas de mourir aussi bien qu’un autre…. Je n’ai pas fait de mal, n’est-ce pas ? ajouta-t-il vivement.

— Pas devant Dieu, répondit-elle.

— Eh bien ! alors, dit Barnabé, qu’ils me fassent tout ce qu’ils voudront. Vous m’avez dit un jour, vous-même, un jour que je vous demandais ce que c’était que la mort, que c’était quelque chose qui n’était pas à craindre, quand on n’avait pas fait de mal. Ha ! ha ! mère, je suis sûre que vous pensiez que j’avais oublié cela. »

Elle était navrée de voir ce joyeux éclat de rire et le ton enjoué avec lequel il lui disait ces mots. Elle le serra contre son cœur et le supplia de lui parler tout bas et de se tenir tranquille, parce qu’il commençait à faire nuit, qu’ils n’avaient plus que peu de temps à rester ensemble, et qu’elle allait être obligée de le quitter.

« Vous reviendrez demain ? dit Barnabé.

— Oui, et tous les jours, et nous ne nous séparerons plus. »

Il répliqua avec joie que c’était bien, que c’était tout ce qu’il désirait, et qu’il était sûr d’avance de sa réponse. Puis il lui demanda où elle était restée depuis si longtemps, et pourquoi elle n’était pas venue le voir, pendant qu’il était un grand soldat ; et alors il se mit à lui détailler tous les plans qu’il