Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/308

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— Ce que vous pouvez faire pour moi ? cria Hugh, en l’empoignant par le collet avec ses deux mains et le secouant aussi rudement que s’il voulait lui couper la respiration. Et qu’est-ce que vous avez fait pour moi ?

— J’ai fait de mon mieux, ce que je pouvais faire de mieux, » répondit le bourreau.

Hugh, sans répliquer, le secoua dans ses serres vigoureuses à lui faire branler les dents dans la mâchoire, le lança par terre, et alla se rejeter lui-même sur son banc.

« Si ce n’était pas le plaisir que je ressens au moins de vous voir ici, murmura-t-il entre ses dents, je vous aurais écrasé la tête contre la muraille ; oh ! oui, et ça ne serait pas long. »

Il se passa quelque temps avant que Dennis eût retrouvé sa respiration pour pouvoir parler ; mais sitôt qu’il put reprendre son langage humble et soumis, il n’y manqua pas.

« Oui j’ai fait de mon mieux, dit-il d’un ton caressant ; savez-vous que j’avais là deux baïonnettes dans les reins, et je ne sais pas combien de cartouches à mon service, pour me forcer à aller où vous étiez, et que, si vous n’aviez pas été pris, vous auriez été tué à coups de fusil ? Jugez un peu, la belle figure que vous auriez faite ! … un beau jeune homme comme vous !

— Je vais donc faire à présent plus belle figure, hein ? demanda Hugh, en relevant la tête avec une expression si terrible que l’autre n’osa pas lui répliquer pour le moment.

— Il n’y a pas de doute, dit Dennis d’un ton doucereux, après un instant de silence. D’abord il y a les chances du procès, et vous en avez mille pour vous. Nous pouvons nous en tirer les braies nettes : on a vu des choses plus extraordinaires que ça. Après cela, quand même ce ne serait pas, et que les chances tourneraient contre nous, nous en serons quittes pour être exécutés une bonne fois ; et ça se fait, voyez-vous, avec tant de propreté, d’adresse et d’agrément, si le terme ne vous paraît pas trop fort, que vous ne pourriez jamais croire qu’on ait pu porter la chose à ce point de perfection. Tuer un de nos semblables à coups de fusil…. Pouah ! » Et cette idée seule révoltait tellement sa nature, qu’il cracha sur le pavé du cachot.

La chaleur qu’il montrait sur ce sujet pouvait passer pour