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ment de sa voix, qu’il était sincère, et j’aspirais à me rendre digne de son estime ; pour cela du moins il n’était pas trop tard ; je pouvais y travailler toute ma vie ; c’était à la fois pour moi une consolation et un mobile ; et je sentais naître en moi une dignité nouvelle, qui me venait de lui, quand je pensais à devenir meilleure pour mériter ses louanges. Il rompit le silence de nouveau.

« Après vous avoir entendu dire que vous n’êtes pas libre, ce serait bien mal vous prouver la confiance que j’ai en vous, dit-il, en vous qui m’êtes si chère et qui me le serez toujours autant qu’aujourd’hui, si j’insistais sur mon amour. Laissez-moi vous dire seulement, chère Esther, que le tendre souvenir que j’avais emporté de vous sur les mers devint à mon retour, pour mon cœur, un culte divin. J’espérais toujours vous l’avouer ; j’attendais que ma position fût meilleure, car je craignais de vous en parler inutilement. Ce soir, mon espérance et mes craintes sont fixées. Je vous attriste, n’en parlons plus, Esther. »

Quelque chose de l’ange qu’il avait cru voir en moi sembla passer en effet dans mon âme ; je ressentais un profond chagrin de la perte qu’il avait faite et j’essayai de l’aider à supporter sa douleur.

« Cher monsieur Woodcourt, lui dis-je, je suis profondément touchée de votre générosité, et j’en garderai le souvenir comme un précieux trésor jusqu’à ma dernière heure. Je sais combien mes traits sont altérés ; je sais que vous connaissez mon histoire, et je comprends tout ce qu’il y a de noble et de généreux dans un pareil amour ; vos paroles m’ont beaucoup plus émue qu’elles n’auraient pu le faire venant d’une autre bouche ; il n’y en a pas au monde qui eût pu leur donner autant de prix ; et je vous assure qu’elles ne seront pas perdues, elles me rendront meilleure. »

Il porta la main à ses yeux et détourna la tête. Comment pourrais-je jamais être digne de ses larmes !

« Et si, continuant de soigner ensemble Éva et Richard, et de nous voir comme nous l’avons fait jusqu’à présent, poursuivis-je, si vous trouvez en moi quelque chose de plus et de mieux que par le passé, n’oubliez pas que c’est à vous que je le devrai ; et que ce sont vos paroles d’aujourd’hui qui en auront été la source. Croyez bien que je garderai toujours la mémoire de cette soirée, cher monsieur Woodcourt ; et que je resterai sensible, tant que battra mon cœur, à la joie et à l’orgueil d’avoir eu votre amour.