Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/73

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pauvre créature avait retrouvé sa gaieté et ne s’étendit pas plus longtemps sur ce triste sujet.

«  Mais vous ne m’avez pas fait compliment de mon médecin, me dit-elle en hochant la tête et en posant une main sur la mienne. Pas le moindre mot encore ! »

Je lui répondis que j’ignorais de qui elle voulait parler.

«  De mon docteur, de M. Woodcourt, ma chère ; de cet excellent jeune homme qui m’a soignée d’une manière si touchante, bien que ses visites fussent gratuites,… jusqu’au jour du jugement toutefois ; du jugement qui rompra le charme sous lequel me retiennent la masse et le grand sceau.

— M. Woodcourt est si loin, que je ne pensais plus avoir de compliment à vous en faire, répondis-je.

— Est-il possible, reprit-elle, que vous ne sachiez pas ce qui est arrivé ?

— Non.

— Mais tout le monde en parle, Fitz-Jarndyce !

— Vous oubliez que depuis longtemps je n’ai pas quitté ma chambre.

— C’est vrai ! excusez-moi ; mais ma mémoire a été altérée comme le reste. Prodigieuse influence ! Eh bien, ma chère, il y a eu dans la mer des Indes une tempête épouvantable.

— M. Woodcourt a fait naufrage ?

— Calmez-vous, chère amie, calmez-vous. Il en est sorti sain et sauf. Une scène affreuse ; le trépas sous toutes les formes ; des centaines de morts et de mourants ; le feu, la tempête et les ténèbres. Au milieu de toute cette désolation, mon docteur s’est conduit en héros ; calme et brave, en dépit du péril ; a sauvé beaucoup de monde ; a supporté sans se plaindre la faim et la soif ; a donné ses vêtements ; s’est mis à la tête de tous les naufragés : leur a montré ce qu’il fallait faire ; a soigné les malades ; enterré les morts ; déposé les vivants en lieu sûr ; il est adoré, ma chère, de ces malheureuses créatures. Dès qu’elles ont été sur le rivage, elles sont tombées à ses pieds et l’ont béni. On ne parle que de ça dans tout le pays. Mais attendez ! Où est mon sac de documents ? j’ai apporté la relation qui en a été faite. Il faut que vous la lisiez. Il le faut absolument. »

Je pris le fragment de journal qu’elle me tendait, et je lus cette noble histoire avec lenteur, car mes yeux étaient tellement obscurcis par les larmes, que je ne distinguais rien. Enfin, je pleurai si fort, que je fus obligée de suspendre ma lecture. J’étais glorieuse d’avoir connu l’homme qui avait montré tant de courage et de dévouement. Je me sentais fière de sa renom-