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Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/108

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Elle nous laissa entrer, et nous posâmes ce que nous avions apporté à côté du grabat où dormait la pauvre mère. Nul effort n’avait été fait pour nettoyer la chambre, qui était sale par nature. Mais le pauvre ange endormi, dont la présence répandait tant de solennité dans cette triste demeure, avait été lavé soigneusement, enveloppé de quelques lambeaux de linge blanc, et, sur mon mouchoir, qui le recouvrait toujours, un bouquet d’herbes aromatiques avait été posé délicatement par ces mains calleuses et couvertes de cicatrices.

« Que le ciel vous récompense ! dis-je à la pauvre femme. Vous êtes une bonne créature.

— Moi ? répondit-elle avec surprise. Mais chut… Jenny ! Jenny ! »

La malheureuse mère avait fait entendre une plainte et s’était agitée ; le son de la voix qui lui était familière la calma tout à coup, et son sommeil redevint paisible.

Je soulevai le mouchoir qui couvrait le petit enfant pour regarder une dernière fois ce pauvre ange, auquel les cheveux d’Éva, qui s’était penchée vers lui, semblaient faire une auréole. Je me doutais bien peu qu’après avoir abrité ce chérubin si calme dans les bras de la mort, mon mouchoir reposerait un jour sur un cœur dévoré d’inquiétudes ; et je m’en allai en pensant que l’ange du pauvre petit reconnaîtrait celle qui replaçait d’une main pieuse la batiste que je venais d’écarter, et qu’il se souviendrait de cette femme que nous laissions tremblante sur le seuil de cette pauvre masure, écoutant avec effroi les pas qu’elle entendait au loin, et maîtrisant sa frayeur pour répéter de sa voix douce et affectueuse : « Jenny ! Jenny ! »


CHAPITRE IX.

Signes et présages.

Je ne sais pas comment cela se fait, mais il me semble que je parle toujours de moi. Je ne prends jamais la plume qu’avec l’intention de m’oublier autant que possible et de m’occuper exclusivement des autres, et chaque fois que j’en reviens à mon histoire j’éprouve une contrariété réelle ; je voudrais rentrer dans l’ombre et ne puis y parvenir. J’espère néanmoins que ceux qui liront