Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

reux de faire quelque chose pour M. Carstone, si toutefois c’était en son pouvoir, ce dont malheureusement il n’entrevoyait pas la probabilité ; que milady envoyait ses compliments à ce jeune homme (à qui elle se souvenait parfaitement d’être unie par des liens de famille éloignés) et avait la ferme confiance qu’il ferait son devoir dans quelque profession honorable qu’il lui plût d’embrasser. »

«  Il est très-clair, me dit Richard après la réception de ce billet, que je ne dois compter sur personne et faire mon chemin moi-même. Peu importe, après tout ; bien des gens avant moi n’ont pas eu d’autre appui. Je voudrais seulement, pour commencer, être bien armé en course, afin de pouvoir m’emparer du grand chancelier, que je mettrais à la portion congrue jusqu’à ce qu’il eût terminé notre affaire ; il en deviendrait toujours moins épais, s’il n’en devenait pas plus lucide. »

Richard joignait aux plus heureuses dispositions qu’un jeune homme puisse avoir une gaieté inaltérable, mais malheureusement aussi une légèreté qui m’inquiétait d’autant plus qu’il appelait sagesse ce qui n’était qu’insouciance. Je ne puis mieux faire comprendre sa manière de calculer que d’en citer un exemple, à propos de l’argent que nous avions prêté à M. Skimpole. M. Jarndyce avait fini par en savoir le chiffre, soit qu’il l’eût demandé à ce dernier, soit qu’il se fût adressé à Coavinses, et avait remis la somme entre mes mains en me priant de retenir ce que j’avais avancé, et de rendre le reste à Richard ; toutes les dépenses inutiles que celui-ci justifia par le recouvrement de ses dix livres et le nombre de fois dont il me parla de cet argent, comme s’il venait de le réaliser, ou qu’il l’eût toujours là de côté sous sa main, formerait, en les additionnant, une somme considérable.

«  Ma prudente petite mère, pourquoi pas ?… me disait-il quand, sans la moindre réflexion, il éprouva le besoin de donner cinq livres au briquetier ; puisque j’ai retiré dix livres de l’affaire Coavinses.

— Et comment cela, Richard ?

— Vous savez bien que j’avais donné ces dix livres avec plaisir et ne comptais plus les ravoir ; vous ne pouvez pas nier cela ?

— Je ne le nie pas non plus.

— Eh bien ! donc, puisque j’ai gagné dix livres…

— Mais ce sont les mêmes, insinuai-je.

— Pas du tout, ce sont dix livres auxquelles, je ne m’attendais nullement ; dix livres de plus dans ma bourse, et que, par conséquent, je puis employer à n’importe quel usage. »