— Vous dirigez cependant, m’a-t-on dit, un grand établissement ? reprit M. Jarndyce.
— Un tir au pistolet, mais d’une faible importance.
— Et que pensez-vous de l’adresse de M. Carstone aux différents exercices que vous lui enseignez ?
— Il ne va pas mal, répondit-il en croisant les bras sur sa poitrine ; et, s’il voulait y apporter plus d’attention, il irait même fort bien.
— Mais je suppose qu’il y met toute la bonne volonté dont il est susceptible ? dit mon tuteur.
— C’est ce qu’il a fait tout d’abord, mais pas longtemps, monsieur ; il est distrait. Peut-être a-t-il autre chose dans l’esprit, ajouta M. Georges en me regardant pour la première fois.
— Ce n’est toujours pas à moi qu’il pense, bien que vous ayez l’air de le soupçonner, monsieur, lui répondis-je en riant.
— J’espère, miss, ne pas vous avoir offensée, dit-il en rougissant un peu sous sa peau brune ; excusez-moi, vous savez que je ne suis qu’un troupier.
— Je l’ai pris au contraire comme un compliment de votre part, » lui dis-je.
Il me regarda trois ou quatre fois de suite en me lançant un coup d’œil rapide.
« Je vous demande pardon, dit-il à M. Jarndyce ; mais ne m’avez-vous pas fait l’honneur de me dire le nom de cette jeune lady ?
— Miss Summerson.
— Miss Summerson ! répéta-t-il en me regardant de nouveau.
— Mon nom vous serait-il connu ? lui demandai-je.
— Non, miss, je ne l’ai jamais entendu ; mais je crois vous avoir vue quelque part.
— Je ne me rappelle pas vous avoir jamais rencontré, lui dis-je, et pourtant j’ai la mémoire des figures.
— Moi aussi, reprit-il en me regardant en face. Hum ! d’où peut me venir cette idée-là ? »
Il rougit encore une fois, et mon tuteur, le voyant embarrassé des efforts qu’il faisait pour se rappeler comment il avait pu me connaître, vint à son secours en lui demandant s’il avait beaucoup d’élèves.
« C’est suivant, répondit-il ; leur nombre varie d’un jour à l’autre ; mais c’est en somme bien peu de chose quand il faut vivre là-dessus.
— Et quelles sont en général les personnes qui viennent à votre galerie ?