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BLEAK-HOUSE

qu’on lui eût répondu, je pense qu’un jour on me trouvera froide et sans vie dans cette chambre avant la fin du procès, comme j’ai trouvé si souvent mes pauvres petits oiseaux. »

Richard, obéissant à la pitié profonde qu’exprimaient les yeux de miss Clare, saisit l’occasion de poser quelque argent sur le coin de la cheminée, tandis que, nous rapprochant des cages, nous feignîmes d’examiner les oiseaux qu’elles contenaient.

« Il est rare que je leur permette de chanter, reprit la pauvre fille. Vous trouvez cela singulier ? mais la pensée qu’ils chantent tandis que je suis à l’audience, à écouter les arguments qu’on m’y oppose, me trouble l’esprit, et vous savez combien il est urgent que mes idées soient précises. Une autre fois, je vous apprendrai leur nom. Pas à présent. Qu’ils chantent aujourd’hui, pour célébrer cette visite de bon augure ; qu’ils chantent tant qu’ils voudront en l’honneur de la jeunesse, de l’espoir et de la beauté, dit-elle en faisant à chaque mot une révérence accompagnée d’un sourire, et laissons-les jouir en plein de la lumière du jour. »

Immédiatement les pauvres petits commencèrent à gazouiller en sautillant dans leurs cages.

« Je ne les mets pas dehors, continua-t-elle, et je n’ouvre pas la fenêtre, parce que la chatte que vous avez vue, et qu’on appelle lady Jane, pourrait bien les manger ; elle reste pendant des heures entières couchée au bord du toit. J’ai découvert, ajouta-t-elle mystérieusement, que la crainte de les voir retrouver leur liberté aiguise encore sa cruauté naturelle. Cette affreuse bête est rusée, pleine de malice. Quelquefois, je serais tentée de croire que ce n’est pas une chatte, mais cet affreux loup de la fable, tant il est difficile de l’éloigner de chez soi. »

Neuf heures et demie ayant sonné aux horloges du voisinage, la pauvre femme saisit en toute hâte son sac de documents qu’elle avait posé sur la table, et nous demanda si nous nous rendions à la cour. Sur la réponse que nous lui fîmes que ce n’était pas notre intention, mais que nous serions désolés de la retenir, elle ouvrit la porte et se dirigea vers l’escalier.

« Avec un tel présage, il est plus nécessaire que jamais, dit-elle, que je me trouve à la cour avant l’arrivée du chancelier, car il est possible que ma cause soit appelée tout d’abord. J’ai le pressentiment qu’elle passera la première. »

Elle s’arrêta et nous dit tout bas que la maison était remplie d’un ramas d’objets que son propriétaire avait achetés pièce à pièce et ne consentait pas à vendre, en raison de ce qu’il « était un peu…. fou. » Au second étage, elle nous avait montré du doigt,