Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/100

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à porter à la main, son courage, toujours grand, grandissait encore. Dès qu’il se mettait à trotter, il criait gare aux facteurs qui couraient devant lui, bien persuadé que, suivant le cours naturel des choses, il allait inévitablement les rattraper et les renverser au passage, de même qu’il avait la confiance, confiance rarement mise à l’épreuve, qu’il était capable de porter tout fardeau que puissent soulever les forces d’un homme.

Ainsi donc, lors même qu’il sortait de son coin pour se réchauffer un jour de pluie, Toby trottait, traçant en zigzag dans la boue, avec ses souliers percés, une série d’empreintes irrégulières et fangeuses. Soufflait-il sur ses mains glacées en les frottant l’une contre l’autre, mal défendues qu’elles étaient contre le froid pénétrant par de vieilles mitaines en laine grise, où le pouce avait seul le privilége d’avoir sa chambre particulière, tandis qu’une salle commune réunissait ensemble tous les autres doigts ; Toby, avec ses genoux en avant et son bâton sous le bras, trottait encore. S’avançait-il dans la rue pour regarder le beffroi quand les cloches sonnaient à pleines volées, Toby trottait toujours.

Il faisait cette dernière excursion plus d’une fois par jour, car les cloches étaient une société pour lui ; et, quand il entendait leurs voix, il éprouvait un intérêt véritable à regarder leur demeure, à songer comment elles étaient mises en branle et quels marteaux frappaient leurs parois sonores. Peut-être cet intérêt curieux pour les cloches tenait-il à ce qu’il y avait entre elles et lui plusieurs traits de ressemblance. Elles restaient là suspendues par tous les temps, exposées au vent et à la pluie, comme lui ; comme lui ne voyant jamais que l’extérieur de toutes les maisons ; ne s’approchant jamais plus que lui des feux dont la flamme brillante se laissait voir à travers les fenêtres ou s’échappait en tourbillons de fumée épaisse par les tuyaux des cheminées ; exclues aussi de toute participation aux bonnes choses qu’elles voyaient apporter, par la porte des maisons ou par la grille des cuisines, à la cuisinière chargée de les mettre en œuvre. Ne voyaient-elles pas comme lui aller et venir derrière les fenêtres une foule de visages, les uns jeunes, jolis, agréables, d’autres fois tout l’opposé ; Toby de même (quoiqu’il réfléchît souvent à ces bagatelles lorsqu’il était là dans la rue à ne rien faire) ne savait pas plus que les cloches d’où venaient toutes ces figures, où elles allaient, ni si, dans tout le cours de l’année, lorsque leurs lèvres remuaient, il en tombait une seule parole bienveillante qui fût à son adresse.

Toby n’était pas un casuiste, il le savait de reste, et je ne