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Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/101

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prétends pas dire que, quand il commença à s’attacher aux cloches et à convertir petit à petit en une liaison plus intime et plus délicate les premiers instincts de curiosité qui lui avaient fait faire connaissance avec elles, il pesa successivement l’une après l’autre ces diverses considérations dans son esprit, ni qu’il passa en règle une revue générale des raisons de sympathie qui l’entraînaient de ce côté. Ce que je veux dire et ce que je dis, c’est que, comme les fonctions physiques de Toby, ses organes digestifs, par exemple, arrivaient d’eux-mêmes, par leur propre mécanisme, à un certain résultat, au moyen d’un grand nombre d’opérations qu’il ignorait complétement et dont la connaissance l’aurait bien étonné ; de même, ses facultés intellectuelles avaient, à son insu et sans sa participation, mis en mouvement tous ces rouages et fait jouer tous ces ressorts, avec bien des milliers d’autres encore, lorsqu’elles travaillèrent à développer en lui son singulier attachement pour les cloches.

Quand même j’aurais dit son amour, au lieu de son attachement, je ne retirerais point cette expression, car elle eût à peine été capable de définir un sentiment aussi compliqué que le sien ; il allait, dans sa simplicité extrême, jusqu’à les revêtir d’un caractère étrange et solennel. Elles mettaient tant de mystère à se faire entendre souvent sans être jamais vues ; elles étaient placées si haut, si loin ; leurs accents étaient pleins d’une harmonie si grave et si imposante, qu’il les regardait avec une sorte de terreur respectueuse. Quelquefois, quand il levait les yeux vers les sombres fenêtres en ogive de la tour, il s’attendait presque à un signe d’appel de la part de quelque être qui n’était pas la cloche elle-même, mais dont il avait cependant souvent entendu la voix dans leur carillon. Par tous ces motifs, Toby repoussait avec indignation un mauvais bruit qui circulait, que les cloches étaient hantées, comme s’il était permis de les croire capables d’avoir des rapports avec l’esprit du mal. Bref, ces cloches étaient souvent présentes à son oreille, souvent présentes à sa pensée, mais toujours en parfaite estime ; plus d’une fois, à force de contempler fixement et la bouche toute grande ouverte le clocher où elles étaient suspendues, il s’était donné un tel torticolis que, pour le guérir, il lui fallut faire ensuite deux ou trois parties de trot en sus de ses exercices habituels.

C’était précisément à ce moyen curatif qu’il était en train de se livrer par une journée très-froide, lorsque le dernier coup de midi vint à sonner, laissant après lui un bourdonnement sem-