Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/102

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blable à celui d’une abeille monstre qui aurait eu du temps à perdre à parcourir le clocher.

« Eh ! eh ! l’heure du dîner, dit Toby trottant toujours de long en large devant l’église. Ah ! »

Le nez de Toby était très-rouge ainsi que ses paupières ; il clignotait beaucoup des yeux, ses épaules remontaient presque jusqu’à ses oreilles, ses jambes étaient roides et engourdies : évidemment, s’il n’était pas gelé, il ne s’en fallait guère.

« Eh ! eh ! l’heure du dîner, » répéta Toby se servant de sa mitaine de la main droite comme d’un diminutif de gant de boxeur pour punir son estomac de ce qu’il avait froid.

« Ah…h…h…h ! »

Après quoi il se remit à trotter en silence pendant une minute ou deux.

« Ce n’est rien, » dit Toby prenant brusquement la parole… et ici il s’arrêta court dans son trot et dans son discours pour se tâter le nez dans toute sa longueur avec un air d’extrême préoccupation et d’alarme assez vive. La distance à parcourir pour ses doigts n’était pas grande, vu la dimension exiguë de son nez ; aussi eut-il bientôt fait.

« Ma foi, je le croyais parti, continua-t-il en se remettant à trotter. Heureusement que non. Ce n’est pas que j’eusse le droit de lui en vouloir s’il venait à me quitter. Son service est joliment dur dans la mauvaise saison, et il n’a pas grands profits pour sa peine, puisqu’il ne prend pas même de tabac. Sans compter que, dans les meilleurs temps, il a bien encore ses épreuves, la pauvre créature, car, s’il lui arrive par hasard de respirer une odeur agréable (et ce n’est pas tous les jours), c’est en général le fumet du dîner d’autrui qu’on rapporte du four. »

Cette réflexion le ramena à celle qu’il avait suspendue pour s’assurer qu’il lui restait un nez.

« Il n’y a rien, dit-il, qui revienne plus sûrement chaque jour que l’heure du dîner, et rien qui revienne, au contraire, moins sûrement que le dîner lui-même. C’est la grande différence qui existe entre eux. Il m’a fallu longtemps pour faire cette découverte. Je voudrais bien savoir si mon observation ne vaudrait pas la peine de la recéder à un monsieur quelconque pour en gratifier les journaux ou le parlement ! »

Ce n’était sans doute qu’une plaisanterie, car Toby secoua gravement la tête avec l’air de renoncer décidément au bénéfice de sa découverte.

« Eh ! mon Dieu ! dit-il, les journaux sont pleins d’observa-