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Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/120

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trouvé, dans l’exemple résigné du soleil d’hiver, une leçon pour un pauvre homme ; mais il n’en était plus là maintenant.

L’année, ce jour-là, était bien vieille. Elle avait poursuivi patiemment sa carrière au milieu des reproches injustes de ses détracteurs, et avait fidèlement accompli sa tâche. Le printemps, l’été, l’automne, l’hiver ; elle avait parcouru laborieusement son cercle prédestiné, et maintenant courbait sa tête fatiguée, attendant la mort. Privée par elle-même de toute espèce d’espérance, de désir et de jouissance active, mais avant-courrière pour les autres de grand nombre de joies, elle demandait à son déclin qu’on se rappelât ses jours de labeur, ses heures de souffrance, et qu’on la laissât mourir en paix. Rien n’empêchait Trotty de lire encore, dans le déclin de l’année expirante, une allégorie pour la vieillesse d’un pauvre homme, mais il n’en était plus là maintenant.

Croyez-vous d’ailleurs que Trotty fût le seul qui eût pu s’appliquer cette comparaison ? Cet appel de l’année, sur ses vieux jours, à la charité publique, pour qu’on la laissât mourir en paix, n’a-t-il jamais été invoqué par l’ouvrier septuagénaire, Anglais comme nous, et invoqué sans succès ?

Les rues étaient pleines de mouvement et les boutiques revêtues gaiement de leur parure de fête. Le nouvel an, comme un héritier présomptif du monde entier, était attendu avec des vœux, des présents, des réjouissances. Il y avait des livres et des joujoux pour le nouvel an, d’éblouissants bijoux pour le nouvel an, des parures pour le nouvel an, des plans de fortune pour le nouvel an, toutes sortes d’inventions nouvelles pour le charmer et le distraire. Son existence était analysée dans une foule d’almanachs et d’agenda ; la venue de ses lunes, de ses astres, de ses marées, était connue d’avance à une seconde près ; toutes les vicissitudes de ses saisons par jours et par nuits étaient calculées avec autant de précision que pouvaient en présenter les tables statistiques de la population, dressées par M. Filer, par hommes et par femmes.

Le nouvel an, le nouvel an ! partout le nouvel an ! Déjà la vieille année n’était plus considérée que comme une défunte, et ses effets se vendaient à vil prix, comme se vend, à bord d’un navire, la défroque d’un matelot tombé à la mer. Ses modes étaient de l’année dernière, et on s’en débarrassait à perte, sans attendre qu’elle eût rendu le dernier soupir ; ses trésors n’étaient que de la drogue au prix des richesses de son successeur encore à naître !