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Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/127

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quides. Maintenant, mon ami, pouvez-vous, la main sur la conscience, vous rendre le témoignage que vous vous êtes, vous aussi, préparé pour une nouvelle année ?

— J’ai peur, monsieur, balhutia Toby en le regardant d’un air humble, d’être… d’être… un peu… en arrière dans mes petites affaires.

— En arrière dans vos petites affaires ! répéta sir Joseph Bowley, articulant chaque syllabe avec une expression terrible.

— J’ai peur, monsieur, balbutia Trotty, de devoir encore quelque chose comme douze ou quinze francs chez Mme Chickenstalker.

— Chez Mme Chickenstalker ! dit encore sir Joseph sur le même ton qu’auparavant.

— C’est une boutique, monsieur, s’écria Toby, où l’on vend un peu de tout. Je dois aussi quel… que ar… gent… sur… mon loyer ; très-peu de chose, monsieur. Cela ne devrait pas être, je le sais, mais nous étions si gênés ! »

Sir Joseph regarda milady, puis M. Fish, puis Trotty, l’un après l’autre, et deux fois de suite. Joignant alors les mains d’un air désespéré, comme un homme qui jette le manche après la cognée :

« Comment, dit-il, un homme, même dans cette race si imprévoyante et si incorrigible, un homme âgé, un homme à cheveux blancs peut-il regarder en face une nouvelle année, avec ses affaires en un pareil état ? Comment peut-il se coucher le soir et se lever le matin ? Comment… allons ! continua-t-il en tournant le dos à Trotty, prenez la lettre, prenez la lettre !

— Je voudrais de tout mon cœur qu’il en fût autrement, mon sieur, dit Trotty préoccupé du besoin de s’excuser… Mais, voyez-vous, nous avons été bien éprouvés. »

Sir Joseph répétait toujours : « Prenez la lettre, prenez la lettre ! » M. Fish, de son côté, non-seulement disait la même chose, mais encore donnait une nouvelle force à cette injonction en montrant la porte au commissionnaire. Toby n’avait donc plus qu’à tirer sa révérence et à sortir. Une fois dans la rue, le pauvre homme enfonça son vieux chapeau usé sur ses yeux pour cacher le chagrin qu’il ressentait de voir qu’il ne pût trouver moyen de mettre la main sur le nouvel an, pour en avoir sa part.

Dans son Chagrin, il ne se découvrit pas même devant la tour où étaient ses chères cloches, lorsqu’à son retour il passa devant la vieille église. Pourtant, il s’y arrêta un instant par la force de l’habitude, et vit alors qu’il se faisait tard, et que le clocher n’élevait plus au-dessus de sa tête qu’une forme vague et vapo-