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Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/139

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fantôme debout devant lui, ou qui se rangeait pour le laisser passer, sans être vu ; alors il promenait sa main sur les parois unies de la muraille, cherchant en haut le visage, ou en bas les pieds de son apparition, pendant qu’un frisson d’épouvante parcourait tous ses membres. Deux ou trois fois une porte ou une niche interrompit la monotone surface, et l’ouverture lui en semblait aussi vaste que l’église entière ; il se sentait sur le bord d’un abîme où il allait tomber la tête la première, jusqu’à ce que sa main retrouvât la muraille.

« Monte, monte, monte toujours ; tourne, tourne, tourne toujours, plus haut, plus haut, toujours plus haut ! »

À la fin, l’atmosphère lourde et étouffante commença à fraîchir ; bientôt Toby ressentit les premières atteintes du vent qui, au bout d’un instant, en vint à souffler avec une violence telle, que le pauvre homme pouvait à peine se tenir sur ses jambes. Mais il avait atteint une fenêtre en ogive de la tour, à hauteur d’appui, et, s’y cramponnant de toutes ses forces, il regarda de cette hauteur les toits des maisons, les cheminées d’où s’échappaient des nuages de fumée, les taches lumineuses produites par les becs de gaz, dirigeant surtout ses yeux vers le point où Meg, inquiète de savoir ce qu’il était devenu, l’appelait peut-être ; tout cela ramassé, confus au milieu du brouillard et de l’obscurité.

C’était le beffroi dans lequel se tenaient les sonneurs. Toby avait saisi une des cordes éraillées qui pendaient à travers les trous du plancher de chêne. D’abord il tressaillit, croyant tenir une poignée de cheveux, puis il trembla d’épouvante à la pensée seule de réveiller le gros bourdon. Quant aux cloches, elles occupaient l’étage supérieur. Trotty, cédant à l’influence de la fascination, ou sous l’empire d’un charme véritable, reprit sa route à tâtons ; mais cette fois, par une échelle excessivement roide et fatigante, et les degrés n’offraient pas un appui sûr pour les pieds.

« Monte, monte, monte toujours ! gravis, grimpe ! monte, monte, monte toujours ! plus haut, plus haut, toujours plus haut ! »

Jusqu’à ce que, continuant son ascension difficile, passant à travers l’ouverture du plancher, et s’arrêtant juste pour dresser sa tête au-dessus des poutres, Toby se trouva au milieu des cloches. Il ne lui était presque pas possible de distinguer dans les ténèbres leurs formes gigantesques ; mais elles étaient là, sombres, obscures, muettes.

Une sensation accablante de frayeur et d’isolement s’empara