Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/140

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de lui aussitôt, dès qu’il fut arrivé à ce nid aérien de pierres et de métal. La tête lui tourne ; il écoute, et pousse un cri sauvage : « Hallo-oh ! »

« Hallo-oh ! » répétèrent les échos d’une voix lugubre.

Saisi de vertige, épouvanté, hors d’haleine, Toby promena autour de lui des yeux hagards, effarés, et tomba évanoui.


III

Troisième quart.


Des nuages noirs planent sur l’océan de la pensée, ses eaux profondes sont encore fangeuses, lorsque, se réveillant d’un calme inerte, il soulève enfin ses flots avec effort, pour secouer sa torpeur. Des monstres informes et bizarres, au moment de sa résurrection imparfaite, s’élèvent prématurément au-dessus de sa surface : des fragments mutilés, des formes incohérentes, s’unissent et se mêlent dans l’esprit au gré du hasard ; quand, comment, et par quelles gradations merveilleuses se séparent-ils ensuite l’un de l’autre ? Comment chaque sensation, chaque pensée, recouvre-t-elle sa forme régulière, reprend-elle sa vie distincte et réelle ? C’est ce qu’aucun homme ne saurait dire (quoique chaque homme, en particulier, soit le théâtre où se célèbre tous les jours ce grand mystère).

De même ici : quand et comment l’obscurité profonde du clocher enseveli dans les ombres épaisses de la nuit, se changea-t-elle en une lumière brillante ? quand et comment la tour solitaire se peupla-t-elle de myriades de figures ? quand et comment le faible souffle qui murmurait d’un ton monotone pendant le sommeil ou l’évanouissement de Trotty : « Attrape ! attrape ! courez après ! » devint-il une voix retentissante qui le tira de cette léthargie en criant à ses oreilles : « Réveillez-le, réveillez-le ; » et comment cessa-t-il d’avoir des idées vagues et confuses ? quand et comment parvint-il à dégager les objets autour de lui, des nombreuses chimères, fruits de son imagination ? il est aussi impossible d’en préciser la date que les moyens. Quoi qu’il en soit, parfaitement éveillé, ce semble, et debout sur le plancher où il gisait naguère, Toby fut témoin du spectacle fantastique que nous allons décrire.

Il vit la tour où ses pas l’avaient conduit sous l’influence d’un charme inconnu, fourmiller de fantômes nains, d’esprits follets,