Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/151

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et il me rendit un peu de place tout de suite et s’éloigna encore peu à peu. Mais je ne pus m’empêcher de remarquer que ces rapprochements incommodes étaient à ses yeux un merveilleux moyen d’exprimer sa bonne volonté d’une manière claire, agréable et facile (sans être obligé de se mettre en frais de conversation. Il en fut tout réjoui longtemps encore après. Au bout d’un moment, il se tourna de nouveau vers Peggotty, et, renouvelant sa question : « Êtes-vous bien, mais tout à fait bien ? » il se serra de nouveau contre nous, au point de m’étouffer à demi. Il réitéra peu après sa demande et ses manœuvres. Je pris donc le parti de me lever dès que je le voyais approcher et de me tenir debout sur le devant, sous prétexte de regarder le paysage ; ce procédé me réussit.

Il eut la politesse de s’arrêter devant une auberge, dans le but exprès de nous régaler de bière et de mouton à la casserole. Pendant que Peggotty buvait, il fut pris de nouveau d’un de ses accès de galanterie ; je vis le moment où elle allait étouffer de rire. Mais, en approchant de la fin du voyage, il était trop occupé pour penser à nous, et une fois sur le pavé de Yarmouth, nous étions tous trop cahotés, je crois pour avoir le loisir de songer à autre chose.

M. Peggotty et Ham nous attendaient. Ils reçurent Peggotty et moi de la manière la plus affectueuse, et donnèrent une poignée de main à M. Barkis, qui avait son chapeau sur le derrière de la tête, souriant d’un air embarrassé qui semblait presque se communiquer à ses jambes, un peu tremblantes à ce qu’il me sembla. M. Peggotty prit une des malles de sa sœur, Ham s’était chargé de l’autre, et j’allais les suivre, quand M. Barkis me fit mystérieusement signe de venir lui parler.

« Tout va bien, » grommela M. Barkis.

Je le regardai en face en disant : « Ah ! » d’un air que je voulais rendre très-profond.

« Tout n’en est pas resté là, dit M. Barkis avec un hochement de tête confidentiel ; tout va bien. »

Je répondis de nouveau :

« Ah !

— Vous savez qui est-ce qui voulait bien ? dit mon ami. C’était Barkis, Barkis, tout seul. »

Je fis un signe d’assentiment.

« Eh bien ! tout va bien maintenant, grâce à vous ; je suis votre ami ; tout va bien, » et M. Barkis me donna une poignée de main.