Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/152

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Dans ses efforts pour s’expliquer avec une grande lucidité, M. Barkis était devenu si extraordinairement mystérieux, que j’aurais pu rester à le regarder pendant une heure, sans recueillir plus de renseignements sur son visage que sur le cadran d’une pendule arrêtée, quand Peggotty m’appela. Chemin faisant elle me demanda ce qu’il m’avait dit. Je répondis qu’il m avait dit que tout allait bien.

« II est bien assez hardi pour cela, dit Peggotty, mais peu m’importe. David, mon cher enfant, que diriez-vous si je pensais à me marier ?

— Mais… je suppose que vous m’aimeriez autant qu’à présent, Peggotty, » répondis-je après un moment de réflexion.

Au grand étonnement des passants et de son frère qui marchait devant nous, la brave femme ne put s’empêcher de s’arrêter pour m’embrasser à l’instant même, en protestant de son inaltérable attachement pour moi.

« Eh bien ! qu’est-ce que vous diriez de ça, mon chéri ? reprit-elle, cet épisode achevé, après que nous nous étions déjà remis en route.

— Si vous aviez l’idée de vous marier… à M. Barkis, Peggotty ?

— Oui, dit Peggotty.

— Il me semble que ce serait une très-bonne chose, parce que, voyez-vous, Peggotty, vous auriez la carriole et le cheval pour venir me voir, et vous pourriez venir à coup sûr, et encore pour rien !

— A-t-il de l’esprit cet enfant ! s’écria Peggotty. C’ést précisément là ce que je me disais depuis un mois. Oui, mon chéri, et je pense que je serais plus indépendante, et que je travaillerais de meilleur cœur chez moi que je ne pourrais le faire chez les autres maintenant. Je ne sais pas si je pourrais me remettre à servir chez des étrangers. Et puis, je resterais près du tombeau de ma pauvre chérie, dit Peggotty à demi-voix, et je pourrais aller le voir quand je voudrais ; et, quand je mourrais, on pourrait m’enterrer pas trop loin d’elle. »

Nous gardâmes tous deux le silence un peu de temps après ces paroles. Elle reprit gaiement :

« Mais je n’y penserais plus, si cela faisait de la peine à mon petit David, quand les bans auraient été publiés vingt fois, et que j’aurais ma bague d’alliance dans ma poche !

— Regardez-moi, Peggotty, répondis-je, et vous verrez