Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/426

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Il se contenta de fermer les yeux négligemment pendant qu’elle baisait sa petite caboche.

« Papa l’appelle mon amie de confiance, mais ce n’est pas vrai du tout, n’est-ce pas, Jip ? Nous n’avons pas l’intention de donner notre confiance à des gens si grognons, n’est-ce pas Jip ? Nous avons l’intention de la placer où il nous plaira, et de chercher nos amis nous-mêmes, sans qu’on aille à la découverte pour nous, n’est-ce pas Jip ? »

Jip fit en réponse un petit bruit qui ressemblait assez à celui d’une bouilloire à thé sur le feu. Quant à moi, chaque parole était un anneau de plus qu’on rivait à ma chaîne.

« C’est un peu dur, parce que nous n’avons pas une maman bien bonne, d’être obligée au lieu de cela de traîner une vieille femme ennuyeuse et maussade comme miss Murdstone, toujours à notre suite, n’est-ce pas, Jip ? Mais ne t’inquiète pas, Jip ; nous ne lui accorderons pas notre confiance, et nous nous donnerons autant de bon temps que nous pourrons en dépit d’elle, et nous la ferons enrager ; c’est tout ce que nous pouvons faire pour elle, n’est-ce pas, Jip ? »

Pour peu que ce dialogue eût duré deux minutes de plus, je crois que j’aurais fini par me mettre à genoux sur le sable, au risque de les écorcher, et de me faire mettre à la porte par-dessus le marché. Mais, par bonheur, la serre n’était pas loin, et nous y arrivâmes comme elle finissait de parler.

Elle était remplie de beaux géraniums. Nous restions en contemplation devant les fleurs ; Dora sautait sans cesse pour admirer cette plante, puis cette autre ; et moi je m’arrêtais pour admirer celles qu’elle admirait. Dora tout en riant soulevait le chien dans ses bras par un geste enfantin pour lui faire sentir les fleurs ; si nous n’étions pas tous les trois en paradis, je sais que pour mon compte j’y étais. Le parfum d’une feuille de géranium me donne encore à l’heure qu’il est une certaine émotion demi-comique, demi-sérieuse qui change à l’instant le cours de mes idées. Je revois aussitôt un chapeau de paille avec des rubans bleus sur une forêt de boucles de cheveux, et un petit chien noir soulevé par deux jolis bras effilés pour lui faire respirer le parfum des fleurs et des feuilles de géraniums.

Miss Murdstone nous cherchait. Elle nous rejoignit alors, et présenta sa joue disparate à la joue de Dora pour qu’elle embrassât ses rides toutes remplies de poudre de riz ; puis elle saisit le bras de son amie confidentielle, et, en avant