Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/181

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— Allons ! dit Dora, est-ce que vous allez devenir grognon, à présent ?

— Grognon ? mon amour !

— Je trouve qu’ils sont tous très-bons pour moi, dit Dora, et je suis très-heureuse.

— À la bonne heure ; mais, ma chère petite, vous n’en seriez pas moins heureuse, quand on vous traiterait en personne raisonnable. »

Dora me lança un regard de reproche. Quel charmant petit regard ! et elle se mit à sangloter, en disant que « puisque je ne l’aimais pas, elle ne savait pas pourquoi j’avais tant désiré d’être son fiancé ? et que, puisque je ne pouvais pas la souffrir, je ferais mieux de m’en aller. »

Que pouvais-je faire, que d’embrasser ces beaux yeux pleins de larmes, et de lui répéter que je l’adorais !

« Et moi qui vous aime tant, dit Dora ; vous ne devriez pas être si cruel pour moi David !

— Cruel ? mon amour ! comme si je pouvais être cruel pour vous !

— Alors ne me grondez pas, dit Dora avec cette petite moue qui faisait de sa bouche un bouton de rose, et je serai très-sage. »

Je fus ravi un instant après de l’entendre me demander d’elle-même, si je voulais lui donner le livre de cuisine dont je lui avais parlé une fois, et lui montrer à tenir des comptes comme je le lui avais promis. À la visite suivante, je lui apportai le volume, bien relié, pour qu’il eût l’air moins sec et plus engageant ; et tout en nous promenant dans les champs, je lui montrai un vieux livre de comptes à ma tante, et je lui donnai un petit carnet, un joli porte-crayon et une boîte de mine de plomb pour qu’elle pût s’exercer au ménage.

Mais le livre de cuisine fit mal à la tête à Dora, et les chiffres la firent pleurer. Ils ne voulaient pas s’additionner, disait-elle ; aussi se mit-elle à les effacer tous, et à dessiner à la place sur son carnet des petits bouquets, ou bien le portait de Jip et le mien.

J’essayai ensuite de lui donner verbalement quelques conseils sur les affaires du ménage dans nos promenades du samedi. Quelquefois, par exemple, quand nous passions devant la boutique d’un boucher, je lui disais :

« Voyons ma petite, si nous étions mariés, et que vous eussiez à acheter une épaule de mouton pour notre dîner, sauriez-vous l’acheter ? »