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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/196

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belles et grandes qualités. Si je lui ai fait du mal, comme je le crains, en abusant, sans le vouloir, de sa reconnaissance et de son affection, je lui en demande pardon du fond du cœur ! »

Il traversa la chambre, puis revint a la même place ; sa main serrait son fauteuil en tremblant ; sa voix vibrait d’une émotion contenue.

« Je me considérais comme propre à lui servir de refuge contre les dangers et les vicissitudes de la vie ; je me figurais que, malgré l’inégalité de nos âges, elle pourrait vivre tranquille et heureuse auprès de moi. Mais, ne croyez pas que j’aie jamais perdu de vue qu’un jour viendrait où je la laisserais libre, encore belle et jeune ; j’espérais seulement qu’alors je la laisserais aussi avec un jugement plus mûr pour la diriger dans son choix. Oui. messieurs, voilà la vérité, sur mon honneur ! »

Son honnête visage s’animait et rajeunissait sous l’inspiration de tant de noblesse et de générosité. Il y avait dans chacune de ses paroles, une force et une grandeur que la hauteur de ces sentiments pouvait seule leur donner.

« Ma vie avec elle a été bien heureuse. Jusqu’à ce soir, j’ai constamment béni le jour où j’ai commis envers elle, à mon insu, une si grande injustice. »

Sa voix tremblait toujours de plus en plus ; il s’arrêta un moment, puis reprit :

« Une fois sorti de ce beau rêve (de manière ou d’autre j’ai beaucoup rêvé dans ma vie), je comprends qu’il est naturel qu’elle songe avec un peu de regret à son ancien ami, à son camarade d’enfance. Il n’est que trop vrai, j’en ai peur, qu’elle pense à lui avec un peu d’innocent regret, qu’elle songe parfois à ce qui aurait pu être, si je ne m’étais pas trouvé là. Durant cette heure si douloureuse que je viens de passer avec vous, je me suis rappelé et j’ai compris bien des choses auxquelles je n’avais pas fait attention auparavant. Mais, messieurs, souvenez-vous que pas un mot, pas un souffle de doute ne doit souiller le nom de cette jeune femme. »

Un instant son regard s’enflamma, sa voix s’affermit, puis il se tut de nouveau. Ensuite, il reprit :

« Il ne me reste plus qu’à supporter avec autant de soumission que je pourrai, le sentiment du malheur dont je suis cause. C’est à elle de m’adresser des reproches ; ce n’est pas à moi à lui en faire. Mon devoir, à cette heure, ce sera de la protéger contre tout jugement téméraire, jugement cruel