Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/198

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« Copperfield, dit-il enfin, d’une voix étouffée, avez-vous perdu l’esprit ?

— Laissez-moi ! lui dis-je, en arrachant ma main de la sienne, laissez-moi, chien que vous êtes, je ne vous connais plus.

— Vraiment ! dit-il, en posant sa main sur sa joue endolorie, vous aurez beau faire vous ne pourrez peut-être pas vous empêcher de me connaître. Savez-vous que vous êtes un ingrat ?

— Je vous ai assez souvent laissé voir, dis-je, que je vous méprise. Je viens de vous le prouver plus clairement que jamais. Pourquoi craindrais-je encore, en vous traitant comme vous le méritez, de vous pousser à nuire à tous ceux qui vous entourent ? ne leur faites-vous pas déjà tout le mal que vous pouvez leur faire ? »

Il comprit parfaitement cette allusion aux motifs qui jusque-là m’avaient forcé à une certaine modération dans mes rapports avec lui. Je crois que je ne me serais laissé aller ni à lui parler ainsi, ni à le châtier de ma propre main, si je n’avais reçu, ce soir-là, d’Agnès, l’assurance qu’elle m serait jamais à lui. Mais peu importe !

Il y eut encore un long silence. Tandis qu’il me regardait, ses yeux semblaient prendre les nuances les plus hideuses qui puissent enlaidir des yeux.

« Copperfield, dit-il en cessant d’appuyer la main sur sa joue, vous m’avez toujours été opposé. Je sais que chez M. Wickfield, vous étiez toujours contre moi.

— Vous pouvez croire ce que bon vous semble, lui dis-je avec colère. Si ce n’est pas vrai, vous n’en êtes encore que plus coupable.

— Et pourtant, je vous ai toujours aimé, Copperfield, reprit-il. »

Je ne daignai pas lui répondre, et je prenais mon chapeau pour sortir de la chambre, quand il vint se planter entre moi et la porte.

« Copperfield, dit-il, pour se disputer, il faut être deux. Je ne veux pas être un de ces deux-là.

— Allez au diable !

— Ne dites pas ça ! répondit-il, vous en seriez fâché plus tard. Comment pouvez-vous me donner sur vous tout l’avantage, en montrant à mon égard un si mauvais caractère ? Mais je vous pardonne !

— Vous me pardonnez ! répétai-je avec dédain.