Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/228

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— Voyez un peu la belle vue pour ces jolis yeux, et à minuit encore répondis-je.

— Vrai ? est-ce que vous les trouvez jolis ? reprit Dora en riant ; je suis si contente qu’ils soient jolis !

— Petite glorieuse ! » lui dis-je.

Mais non, ce n’était pas de la vanité, c’était une joie naïve de se sentir admirée par moi. Je le savais bien avant qu’elle me le dît.

« Si vous les trouvez jolis, dites-moi que vous me permettrez toujours de vous regarder écrire ! dit Dora ; les trouvez-vous jolis ?

Très-jolis !

— Alors laissez-moi vous regarder écrire.

— J’ai peur que cela ne les embellisse pas, Dora.

— Mais si certainement ! parce que voyez-vous, monsieur le savant, cela vous empêchera de m’oublier, pendant que vous êtes plongé dans vos méditations silencieuses. Est-ce que vous serez fâché si je vous dis quelque chose de bien niais, plus niais encore qu’à l’ordinaire ?

— Voyons donc cette merveille ?

— Laissez-moi vous donner vos plumes à mesure que vous en aurez besoin, me dit Dora. J’ai envie d’avoir quelque chose à faire pour vous pendant ces longues heures où vous êtes si occupé. Voulez-vous que je les prenne pour vous les donner ? »

Le souvenir de sa joie charmante quand je lui dis oui me fait venir les larmes aux yeux. Lorsque je me remis à écrire le lendemain, elle était établie près de moi avec un gros paquet de plumes ; cela se renouvela régulièrement chaque fois. Le plaisir qu’elle avait à s’associer ainsi à mon travail, et son ravissement chaque fois que j’avais besoin d’une plume, ce qui m’arrivait sans cesse, me donnèrent l’idée de lui donner une satisfaction plus grande encore. Je faisais semblant, de temps à autre, d’avoir besoin d’elle pour me copier une ou deux pages de mon manuscrit. Alors elle était dans toute sa gloire. Il fallait la voir se préparer pour cette grande entreprise, mettre son tablier, emprunter des chiffons à la cuisine pour essuyer sa plume, et le temps qu’elle y mettait, et le nombre de fois qu’elle en lisait des passages à Jip, comme s’il pouvait comprendre ; puis enfin elle signait sa page comme si l’œuvre fût restée incomplète sans le nom du copiste, et me l’apportait, toute joyeuse d’avoir achevé son devoir, en me jetant les bras