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Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/265

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ressembleront moins qu’Agnès et cet odieux rousseau avec sa redingote couleur de mûre ; mais, hélas ! toutes leurs dissemblances ne faisaient que m’inquiéter davantage ; le danger venait justement de l’abnégation si pure de l’une et de la sordide bassesse de l’autre. Uriah, certainement, avait lui-même fait ce calcul.

Cependant la perspective d’un pareil sacrifice dans l’avenir aurait si fatalement détruit le bonheur d’Agnès, j’étais si sûr, en étudiant sa physionomie, que ce sacrifice était encore imprévu pour elle et qu’il n’avait jeté aucun nuage sur son esprit, que l’en avertir m’eût paru à la fois un acte de barbarie et une injure. Voilà pourquoi nous nous séparâmes sans cette explication ; elle me disait un dernier adieu de la main par la portière de la diligence, et son mauvais génie se tortillait sur le siège comme s’il la tenait déjà dans ses griffes et triomphait de sa victime.

Je fus long-temps à effacer de mon esprit l’impression, de cette scène. Lorsque je reçus une lettre d’Agnès qui m’écrivait pour m’apprendre son heureuse arrivée, je ressentis la même peine de cœur que lorsque je l’avais vue partir. Toutes les fois que je tombais dans