Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/87

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moment de quitter le pensionnat du Dr  Strong. J’avais vécu là heureux, j’avais une sincère affection pour le Docteur, j’étais éminent et distingué dans ce petit monde : voilà pourquoi je me sentais triste. Mais j’avais aussi des raisons, raisons un peu plus vagues peut-être, pour être charmé de partir. J’allais devenir mon maître et acquérir l’importance d’un jeune homme qui est son maître : je me figurais toutes les merveilleuses choses que peut voir et que peut faire cet être privilégié sur une plus grande scène, le rôle brillant que son mérite lui assure et l’impression imposante qu’il ne saurait manquer de produire sur la société. N’y avait-il pas là de quoi me séduire ? ces visions de ma jeune imagination ne devaient-elles pas suffire pour que je quittasse le pensionnat sans beaucoup de regret ? Le fait est que je ne crois pas qu’au moment de me lancer dans l’expérience de l’avenir, j’aie long-temps fixé un regard mélancolique sur le passé. Je fus ému, sans doute, un peu troublé par la perspective que j’avais devant moi, mais je n’étais pas fâché de faire les premiers pas vers l’inconnu. Il me semblait enfin que j’allais commencer quelque chose comme la lecture d’un long conte de fées.