Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/99

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choppe de mon vieil ennemi le boucher… Je me sentais si attendri, malgré mon affectation d’indifférence, que j’étais sur le point d’aller lui secouer cordialement la main… Mais il avait l’air tout aussi farouche que jadis, sans être embelli par l’absence de deux dents de devant que je lui avais fait sauter à notre second pugilat : je crus plus sage de m’abstenir des avances.

Je me souviens qu’une fois sur la grand’route, ma seule préoccupation était de paraître le moins jeune possible au cocher, et d’affecter un ton d’assurance ou même de brusquerie. Je voulais être un homme fait, en un mot, et il fallait que personne n’en doutât.

« — Vous allez jusqu’à Londres, Monsieur ? » me demanda le cocher.

« — Oui, William (lui répondis-je avec condescendance, car je savais son nom), je vais à Londres ; je n’irai dans le Suffolk qu’après.

» — Pour chasser au tir, Monsieur ? »

La chasse au tir en cette saison ! Il aurait pu supposer, avec la même probabilité, que j’allais à la pêche de la baleine ; je n’y songeais guère, le cocher le savait aussi bien que moi. Je n’en fus pas moins sensible au compliment, et, prétendant être indécis :