Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/120

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dîner ; c’était vraiment peu convenable, quand bien même il n’eût jamais mis la patte dans la salière ou dans la saucière au beurre. Le jour où Traddles dînait avec nous, Jip sembla se figurer qu’il avait la consigne de le tenir en respect : il fit tant d’incursions au bord de son assiette et il aboya contre mon vieil ami avec une telle opiniâtreté, que je peux bien dire qu’il monopolisa toute la conversation.

Cependant, sachant jusqu’à quel point ma chère Dora était susceptible et combien elle eût été contrariée de la moindre réflexion contre son favori, je me gardai d’en exprimer aucune. Pour rien au monde je n’aurais voulu remarquer les plats écornés, l’huilier branlant sur sa base, les carafes et les saucières bravant toutes les lois de la symétrie, etc.

Le gigot se trouva si dur, qu’il fallut remplacer cette pièce de résistance par un reste de jambon qui était, par hasard, dans le buffet depuis la veille : Traddles, si je le lui avais permis, aurait mangé de la viande crue comme un vrai sauvage, pour faire honneur au repas ; mais je n’autorisai pas ce sacrifice sur l’autel de l’amitié, d’autant plus que ma pauvre Dora ayant voulu le régaler d’huîtres, qu’il aimait beaucoup, avait oublié de les faire