Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/134

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mon bras, « venez et attendez dix minutes avant de m’adresser la parole. »

Nous nous assîmes dans son petit salon ; elle pleurait et elle se plaça derrière un vieil écran pour se recueillir en essuyant ses larmes. Ce ne fut qu’au bout d’un quart d’heure que, redevenue tout-à-fait maîtresse d’elle-même et rapprochant sa chaise de la mienne, elle me dit :

« — Trot, c’est mon mari ! 

» — Votre mari ! ma tante. Je le croyais mort ! 

» — Mort pour moi, mais vivant… Écoutez, » poursuivit-elle avec son calme impassible, « Betsey Trotwood ne parait guère faite pour inspirer la tendre passion, n’est-ce pas ? Mais il fut un temps, Trot, où elle crut à cet homme, — où elle l’aima, l’aima beaucoup, où il n’était aucune preuve d’affection sincère et dévouée qu’elle ne lui eût volontiers donnée. Il la récompensa en dissipant une partie de sa fortune et en lui brisant le cœur. Elle ensevelit donc pour toujours dans un tombeau tout sentiment de ce genre et se sépara à jamais de celui qui l’avait trompée. 

» — Ma chère bonne tante ! 

» — En agissant ainsi, » continua ma tante,