Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/135

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« je fus généreuse… oui, je puis répéter aujourd’hui que je fus généreuse. Il avait été si cruel que j’aurais pu obtenir une séparation légale et dans les termes les plus favorables pour moi : je n’en fis rien. Il eut bientôt mangé ce que je lui avais donné ; il tomba au plus bas degré de l’échelle, épousa une autre femme, je crois, devint un aventurier, un joueur, un fripon. Vous avez vu ce qu’il est à présent… mais quand je l’épousai, il avait un air de distinction… (reprit ma tante avec un son de voix où je crus retrouver l’écho d’un orgueil désabusé) et je voyais en lui l’honneur en personne… J’étais une folle… Il n’est plus rien pour moi, Trot… moins que rien ; mais, plutôt que de le voir puni (comme il le serait s’il vagabondait dans le pays), je lui remets autant d’argent que je le peux chaque fois qu’il reparaît. Je fus une folle quand je l’épousai, et je suis encore folle à ce point, qu’en mémoire de ce que j’avais cru qu’il était, je ne voudrais pas que ce fantôme des illusions de ma jeunesse éprouvât le traitement sévère qu’il mérite… car j’étais sincère, Trot, si jamais femme le fut. »

Ma tante poussa un soupir et résuma ensuite froidement sa confidence.