Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/269

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et y survivra à tous les trésors de ce monde. 

» À peine débarquée à un port du midi de la France, Émilie aperçut, à quelques pas d’elle, celui qui nous l’avait enlevée. Saisie de terreur, elle sortit aussitôt de la ville et ne s’arrêta plus que dans un port sur l’Océan où elle s’embarqua de nouveau pour Douvres. Ce qui, jusque-là, avait soutenu son courage, était la pensée de se rendre à Yarmouth, et cependant, en mettant le pied sur le sol d’Angleterre, le cœur lui manqua ; la peur de ne pas être pardonnée, la peur d’être montrée au doigt, la peur que la douleur de son départ n’eût tué quelqu’un de nous, la peur de mille choses ébranla sa résolution : « Oncle, » m’a-t-elle dit, « la pire de toutes les peurs était celle de ne pas être digne de faire ce que désirait tant mon pauvre cœur saignant ! Je me détournai du chemin, tout en priant Dieu de m’accorder la grâce de me traîner jusque sur votre seuil, de le baiser pendant la nuit, et d’y être trouvée morte le lendemain matin.

» Elle vint à Londres ! » reprit M. Peggoty avec l’accent d’un homme qui vient d’échapper à un horrible danger; « figurez-vous mon Émilie seule dans Londres le soir, n’ayant plus une pièce d’argent, jeune et belle, s’adressant à