Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/302

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matelots, que je reconnus, de ne pas laisser ainsi périr ces deux créatures qui allaient être englouties devant nos yeux.

Dans le trouble de mon esprit, je crus comprendre qu’ils me répondaient avec émotion qu’une heure auparavant on avait tenté de mettre à la mer le canot de sauvetage et qu’il n’y avait plus rien à espérer, à moins qu’un homme fût assez hardi pour se jeter à l’eau, attaché à une amarre, afin d’établir une communication avec la terre ferme. Tout-à-coup une sensation nouvelle se manifesta parmi les gens accourus sur la plage, et, de leurs rangs entr’ouverts, je vis sortir Cham lui-même. Je m’élançai vers lui, autant que je pus m’en rendre compte, pour le supplier, lui aussi, de porter secours à ceux qui périssaient ; mais, quel que fût le désordre de mes sens à la vue d’un spectacle si nouveau et si effrayant, je revins presque en même temps à la conscience du danger que Cham allait courir, frappé à la fois par l’air résolu de sa physionomie et le regard qu’il fixa sur la mer… le même regard que j’avais remarqué le jour de la fuite d’Émilie. Je voulus le retenir en l’embrassant, et, changeant de langage, je conjurai ceux qui m’entouraient de ne pas