Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/316

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» — Ah ! Miss Dartle, quelle cruauté ! N’avez-vous pas honte ? 

» — Je vous dis, » me répliqua-t-elle, « que je veux lui parler. Aucune puissance sur la terre ne me fermera la bouche. J’ai acheté ce droit par des années entières de silence. »

Et, se retournant encore vers la malheureuse mère :

« — Je l’aimais plus que vous ne l’aimâtes jamais, » reprit-elle. « J’aurais pu l’aimer sans être payée de retour, moi. Si j’avais été sa femme, j’aurais pu être l’esclave de ses caprices pour un seul mot de tendresse dans l’année. Oui, je l’aurais été ; qui le sait mieux que moi ? Vous fûtes une mère exigeante, orgueilleuse, égoïste. Mon amour eût été dévoué, il eût foulé aux pieds vos misérables doléances. »

En parlant ainsi, son geste ajoutait encore à l’expression de ce désespoir mêlé de rage.

« — Regardez ceci ! » s’écria-t-elle en montrant encore sa cicatrice. « Quand, après m’avoir frappée, il vit les marques de sa violence ; quand, plus calme, il comprit ce qu’il avait fait, il en éprouva un vrai repentir, et moi, je lui pardonnai. Je chantais pour lui plaire, je causais pour l’amuser. Il savait avec