Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/339

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Cette révélation me vint, non pas tout à la fois, mais peu à peu, goutte à goutte. Le sentiment de tristesse avec lequel je me mis en route, s’étendit et devint plus profond d’heure en heure. D’abord ce ne fut qu’une sensation confuse que je ne pouvais définir ; puis, par degrés imperceptibles, j’eus la conscience de tout ce que j’avais perdu… ma première amitié et mon premier amour, l’intérêt de ma vie, l’édifice enchanté de mes illusions, évanoui à jamais et me laissant dans une vaste solitude, dans un désert prolongé au loin devant moi sous un noir horizon.

Si ma douleur était égoïste, je ne savais pas qu’elle le fût. Je gémissais sur ma femme-enfant, arrachée si jeune à tout ce qui lui promettait le bonheur en ce monde ; je gémissais sur celui qui aurait pu obtenir l’amitié et l’admiration de tous, comme il avait obtenu mon amitié et mon admiration dans notre vie d’écolier ; je gémissais sur le cœur désolé qui avait trouvé le repos dans le sein de la tempête ; je gémissais sur le foyer abandonné de la simple demeure où j’avais écouté, enfant, la voix nocturne du vent des mers.

Les idées tristes s’accumulèrent à un tel point autour de moi, que je désespérai de ja-