Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/341

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tières ; — je me vois dans les rues fantastiques exhumées des pages de l’histoire ou des poétiques récits, portant toujours ma douleur avec moi, occupé de ma douleur seule et apercevant à peine les objets qui paraissent et disparaissent sans cesse. Indifférent pour toutes choses, absorbé uniquement par ma tristesse, mon cœur semblait ne se nourrir que de son amertume. Ah ! sortons enfin de cette nuit, ô mon cœur insoumis, échappons à ce long et misérable rêve : levons les yeux vers l’aurore qui commence à éclairer le ciel, puisqu’enfin, j’en remercie Dieu, l’aurore en dissipa les ténèbres.

Pendant plusieurs mois je menai cette vie errante et sans but, tantôt prolongeant mon séjour dans un lieu, tantôt ne faisant que passer, revenant sur ma route ou m’en détournant. Ne pouvant m’expliquer pourquoi, de temps à autre je me surprenais à penser à mon retour, je repoussais aussitôt cette vague tentation de terminer mon inquiet pèlerinage.

J’étais en Suisse. Je revenais d’Italie, j’avais franchi un des grands défilés des Alpes et parcouru avec un guide les sites sauvages des montagnes. Peut-être ces solitudes avaient-elles parlé à mon cœur, mais je l’ignorais. J’avais contemplé avec étonnement les cimes