Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/349

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qu’elle fût encore ; en effet, si j’avais parlé, n’aurais-je pas fait naître entre Agnès et moi une contrainte jusque-là inconnue et perdu quelque chose de son affection de sœur ? Comment m’y résoudre ?

Je ne pouvais oublier que cette affection qu’elle avait pour moi était celle que j’avais librement préférée ; peut-être aurait-elle pu m’aimer d’un autre amour… oui, peut-être il fut un temps où elle l’aurait pu… Mais c’était uniquement ma faute si je n’étais qu’un frère pour elle, si je m’étais habitué, depuis l’enfance, à la placer dans une sphère supérieure, à regarder son noble cœur comme au-dessus des caprices de ma folle imagination. N’était-ce pas à une autre qu’elle, enfin, que j’avais adressé la passion plus sérieuse de ma jeunesse ?

Ah ! s’il n’était pas trop tard ! si, ayant enfin appris à me connaître, si, en osant élever mon espoir jusqu’à Agnès, je réussissais à être plus digne d’elle ; si, après une épreuve indéterminée, je pouvais encore effacer la trace de mes pas dans le passé et être assez heureux pour obtenir sa main !… Un moment cette perspective lointaine consola mes regards ; mais elle s’évanouit aussi quand je me rappelai