Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/350

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toutes les confidences que j’avais déposées dans son âme, la connaissance qu’elle avait de mon cœur inconstant, le sacrifice qu’elle avait dû faire pour n’être que mon amie et ma sœur, ses combats et sa victoire. Si elle ne m’avait jamais aimé d’amour… pouvais-je croire qu’elle m’aimerait à présent ?

J’avais toujours senti ma faiblesse en la comparant au courage d’Agnès et à sa constance ; je la sentais chaque jour davantage. Oui, si j’avais été plus digne d’Agnès autrefois, j’aurais pu aspirer à être pour elle plus qu’un frère… mais il était trop tard… trop tard ! J’avais laissé fuir l’occasion… J’avais perdu Agnès et mérité de la perdre.

Combien je souffris de ces luttes secrètes ! de quelles angoisses et de quels remords elles me remplirent ! qu’il m’en coûtait de ne pouvoir faire taire ma conscience qui me disait : « Est-ce juste, est-ce honorable, à présent que tu vois toutes tes espérances flétries, de revenir à celle, dont tu t’es frivolement détourné quand l’avenir te souriait ? — Oui, » me répondais-je, « l’honneur me le défend, » — et cependant je ne pouvais plus me cacher que je l’aimais, que je l’aimais du plus profond de mon âme.