Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une telle inquiétude (elle tremblait même), que je ne doutai plus qu’elle n’eût deviné et surpris tout à l’heure ma secrète pensée. Pour rester maître de moi-même, j’eus besoin d’appeler à mon secours les résolutions énergiques que j’avais formées après tous mes jours et toutes mes nuits de lutte contre mon propre cœur.

« — Si cela est, » commençai-je, « et j’espère que cela est… 

» — Je ne le sais pas précisément, » dit ma tante vivement. « Vous ne devez pas vous en rapporter à mes soupçons, il faut les garder pour vous ; ils n’ont peut-être qu’un fondement bien léger. Je n’ai pas le droit de parler. 

» — Si cela est, » répétai-je, « Agnès m’en fera part quand elle le croira convenable. Une sœur à qui j’ai fait tant de confidences, ma tante, n’aura pas d’objection à m’en faire une à son tour. »

Ma tante détourna les yeux, demeura quelques minutes pensive et me mit la main sur l’épaule. Nous continuâmes ainsi, elle et moi, à méditer le passé, sans prononcer une parole, jusqu’au moment où nous nous séparâmes pour monter chacun dans notre chambre.

Le lendemain matin, de très bonne heure,