Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/398

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rais voulu la bénir, j’aurais voulu la remercier, j’aurais voulu lui dire de vive voix, comme je l’avais fait dans mes lettres, quelle influence elle exerçait sur moi… vains efforts ! mon amour et mon bonheur étaient muets.

Sa douceur calme apaisa peu à peu mon agitation ; elle me ramena à l’heure de nos adieux, et me parla de tout ce qui m’intéressait avec cette délicatesse dont les nobles cœurs ont seuls l’instinct ; sa voix avait la vertu de ces harmonies mélancoliques qui charment les douleurs en les réveillant. Ce fut ainsi qu’elle m’entretint d’Émilie, qu’elle avait visitée secrètement avant son départ ; — ce fut ainsi qu’elle m’entretint de la tombe de Dora. Je la regardais et je l’écoutais avec une tristesse silencieuse.

« — Et vous, Agnès, » lui dis-je enfin, voulant aussi qu’elle me parlât d’elle, « et vous, pourquoi ne me dites-vous presque rien de ce que vous avez fait pendant ce laps de temps ? 

» — Que vous dirais-je ! » répondit-elle avec son céleste sourire ; « mon père est bien ; vous nous retrouvez ici, tranquilles, dans notre maison qui nous est rendue ; toutes nos anxiétés se sont évanouies ; sachant cela, Trotwood, vous savez tout.