Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/409

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» — Rêvais-je, quand je sentais déjà, tout enfants que nous étions vous et moi, que vous seriez un de ces cœurs fidèles qui savent triompher de toutes les épreuves de la vie, conservant jusqu’à la mort leur courage pour souffrir, leur dévouement pour consoler. Rirez-vous de ce rêve, Agnès ? 

» — Oh ! non, non ! »

Pendant un instant, un nuage de mélancolie voila son front serein, mais un nuage passager, et elle ne cessa ni de jouer son air, ni de me regarder avec son doux sourire.

Quand je repris la route de Douvres et que le vent de la nuit murmura à mon oreille comme la voix d’un souvenir d’inquiétude, je me rappelai le nuage et craignis qu’Agnès ne fût pas heureuse. Et moi, étais-je heureux ? non ; mais la conscience d’avoir loyalement apposé le sceau du devoir sur le passé me réconcilia avec mes regrets mêmes, et j’évoquai la noble image qui me montrait du doigt le ciel. « Oui, Agnès, me disais-je, « dans le ciel que tu me montres, je pourrai du moins t’aimer encore d’un amour inconnu sur la terre et te révéler sans péril le mystère des combats que mon cœur s’est livré quand il t’aimait du