Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/439

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à ce regret lorsque je lisais à Agnès les pages que j’avais écrites, lorsque je contemplais ses regards attentifs, lorsque je la faisais sourire ou pleurer, lorsque je l’écoutais me parler elle-même des créations de mon imagination comme de personnages réels à qui elle s’intéressait sérieusement.

En un mot, j’avais appris à régler mes sentiments par la loi du devoir : je respectais l’amitié de sœur qu’Agnès m’avait vouée. Pour rien au monde je n’aurais risqué de troubler la calme et pure intimité de nos entrevues ; je me serais cru un misérable égoïste d’aspirer à une autre destinée que celle que je m’étais faite à moi-même. Je l’aimais cependant, et je m’accordais parfois la consolation d’entrevoir dans un avenir lointain et vague le jour où je pourrais lui en faire l’aveu innocent, le jour où, parvenu à l’âge des vieillards, je lui dirais : « Oui, Agnès, je vous aimais d’amour lorsque je revins de mes voyages, je vous aimais et je n’en ai plus aimé d’autre. »

Je ne pus d’ailleurs surprendre le moindre changement en elle. Agnès restait ce qu’elle avait toujours été pour moi, toujours la même.

Entre ma tante et moi, depuis mon retour,