Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/5

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et je me crois en mesure… hélas ! le grand orateur avait déjà regagné sa place, que mon crayon courait encore sur le papier à la recherche de son exorde !

Il était clair que j’avais voulu trop brusquer le succès, et qu’il me fallait encore un peu de travail et de patience. J’allai consulter Traddles, qui me proposa de me dicter quelques harangues avec un lent débit, en ménageant des haltes et des repos à ma faiblesse ; reconnaissant de ce secours offert, je l’acceptai, et pendant long-temps, tous les soirs, nous eûmes une espèce de Parlement au petit pied dans ma rue de Buckingham.

Je voudrais bien voir partout ailleurs un Parlement pareil. Ma tante et M. Dick représentaient le gouvernement ou l’opposition (selon la circonstance), et Traddles, armé des « Extraits d’Enfield » ou d’un volume de discours complets, les accablait de ses invectives. Debout contre la table, un doigt de la main gauche sur la page, pour y avoir recours de temps en temps, faisant le moulinet au-dessus de sa tête avec son bras droit, mon ami, tour à tour M. Pitt, M. Fox, M. Sheridan, M. Burke, lord Castlereagh, vicomte Sidmouth ou M. Canning, entrait dans de vertueuses colères, et