Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dénonçait en tonnantes diatribes la corruption de ma tante et de M. Dick, tandis qu’assis à quelques pas de lui, mon cahier sur mon genou, je me traînais péniblement après ce foudre d’éloquence. L’inconséquence et la mobilité des opinions de Traddles surpassaient celles de tous les politiques. Dans le cours d’une semaine il changeait dix fois de parti, et clouait toutes sortes de pavillons à toutes sortes de mâts. Ma tante, avec la grave impassibilité d’un chancelier de l’Échiquier, l’interrompait par quelques écoutez, oui, non, etc., selon les indications probables du texte, et c’était toujours un signal pour M. Dick, parfait membre ministériel, de répéter les mêmes monosyllabes. Cependant, le digne homme ne pouvait toujours échapper au remords d’une pareille servilité, et je voyais à sa physionomie qu’il se reprochait de concourir au renversement de la vieille constitution britannique.

Plus d’une fois ces débats se prolongèrent jusqu’à minuit, et je serais devenu expert si j’avais pu déchiffrer mon manuscrit quand il était terminé ; je passai, en un mot, par toutes les difficultés de l’art, et j’eus d’autant plus de mérite à ne pas désespérer, que ce travail n’était pas le seul qui m’occupât ; mais, dans