Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/164

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Sa voix ne tremblait pas, son attitude était ferme, et s’avançant d’un pas qui semblait écraser toute émotion tendre, elle souhaita le bonsoir à sa mère et se retira dans sa chambre.

Mais ce ne fut pas pour se reposer, car il n’y avait plus de repos possible pour elle quand elle était seule. Elle se promena de long en large et toujours de long en large, au moins cinq cents fois, au milieu de ses brillants apprêts de toilette du lendemain. Ses cheveux noirs tombaient sur ses épaules, ses yeux lançaient un éclat sinistre, la peau blanche de sa belle poitrine était couverte de meurtrissures ; car elle se frappait de ses mains, tant elle avait de dédain pour ses attraits ! Elle marchait la tête détournée comme si elle eût voulu éviter dans la glace la vue de sa beauté et renoncer à cette compagne importune. C’est ainsi qu’Edith Granger passa la nuit qui précéda son mariage, à lutter contre les angoisses de son esprit, et dans cette lutte, abandonnée à elle-même, sans amie, elle demeura silencieuse et fière ; elle ne poussa pas un gémissement, ne versa pas une larme.

À la fin elle vit que la porte de la chambre dans laquelle Florence reposait était ouverte. Elle tressaillit, s’arrêta et regarda.

Une bougie, qui brûlait encore, lui montra Florence dans toute la fleur de l’innocence et de la beauté : elle était profondément endormie. Edith retint sa respiration et se sentit attirée vers elle.

Elle approcha plus près, plus près, toujours plus près ; à la fin, elle était si près qu’elle s’arrêta : elle porta ses lèvres sur la jolie main qui pendait hors du lit et la posa doucement autour de son cou. Cette main, sur la figure d’Edith, fut comme la verge du prophète de l’Écriture sur le rocher. Des larmes jaillirent de ses yeux, Edith s’affaissa sur ses genoux et reposa sa tête malade et ses cheveux épars sur l’oreiller de Florence.

C’est ainsi qu’Edith passa la nuit qui précéda son mariage.

C’est ainsi que le soleil la trouva le matin de ses noces.