Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/180

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fait de nouveau allusion à la guinguette. L’œil de son camarade commence à rivaliser avec le sien ; lui aussi commence à regarder fixement les objets sans parvenir à en prendre une connaissance distincte. Les figures des dames sont généralement vermeilles : sous le rapport de la couleur, on remarque particulièrement celle de Mme Perch, qui est joyeuse et rayonnante : elle est si loin maintenant des choses de ce monde, que, si on lui demandait le chemin de Ball’s-Pond, où elle habite, elle aurait peine à se rappeler la route.

M. Towlinson a proposé un toast à l’heureux couple ; le sommelier aux cheveux blancs y a répondu d’une manière simple et profondément sentie, car il commence sérieusement à se croire un peu un ancien serviteur de la famille, et par suite, obligé de prendre sa part des émotions domestiques. Toute la société, et surtout le beau sexe, devient tout à fait folichonne. La cuisinière de M. Dombey, le boute-en-train de toutes les réunions, déclare qu’après ce régal il est impossible d’en rester là : pourquoi n’irait-on pas en masse au spectacle ? Tout le monde, y compris Mme Perch, est de cet avis ; jusqu’au nègre qui a le vin féroce comme un tigre et qui fait peur aux dames, particulièrement à Mme Perch, par le roulement de ses yeux. L’un des deux laquais a même proposé un bal après le spectacle ; et personne, pas même Mme Perch, n’y fait l’ombre d’une objection. Il y a eu quelques mots échangés entre la servante et Towlinson : elle, sur la foi d’un vieux dicton, affirme que les mariages se font dans le ciel ; lui, prétend que la manufacture est autre part ; il suppose qu’elle parle ainsi parce qu’elle voudrait bien se marier à son idée ; à quoi elle répond qu’elle ne songe toujours pas, Dieu merci, à se marier avec lui.

Pour mettre fin à ces discussions, le sommelier aux cheveux blancs se lève et propose la santé de Towlinson ; « Le connaître, dit-il, c’est l’estimer, et l’estimer, c’est lui souhaiter un bon établissement avec l’objet de son choix, en quelque lieu que cet objet puisse se trouver. » Ce disant, le sommelier lance un coup d’œil à la bonne. Towlinson adresse au préopinant des remercîments dans un discours vivement senti dont la péroraison est dirigée contre les étrangers. « Sans doute, dit-il, les étrangers, pour des gens faibles et inconstants qui se laissent conduire par le bout du nez, peuvent avoir un moment de vogue, mais, Dieu merci, messieurs les étrangers, bon voyage ! j’espère bien n’entendre plus parler de vous de