Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/214

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— La première, la voici : si vous venez à changer de résolution, permettez-moi de vous offrir mes services. Mon nom sera toujours à votre disposition ; en ce moment il vous serait sinon inutile, au moins sans objet.

— Nous n’avons pas assez d’amis, répondit-elle en souriant tristement, pour avoir besoin de réfléchir longtemps. Je puis vous promettre ce que vous me demandez.

— Voici maintenant la seconde. Laissez-moi quelquefois, tous les lundis matins à neuf heures (c’est encore une habitude, vraiment je suis bien routinier), dit l’inconnu en secouant la tête, comme pour s’adresser un reproche à lui-même, laissez-moi, quand je passerai, vous apercevoir ou à la porte ou à la fenêtre. Je ne vous demande pas la permission d’entrer, car à cette heure, votre frère sera parti. Je ne vous demande pas non plus la permission de vous parler. Je vous prie seulement de me laisser voir, pour satisfaire mon inquiétude, si vous n’êtes point malade. Permettez-moi, en me montrant à vous dehors seulement, de vous rappeler que vous avez un ami, un ami d’un certain âge, dont les cheveux déjà gris seront bientôt blancs, mais un ami toujours prêt à vous servir, quand il vous plaira. »

La figure franche et cordiale de la jeune fille se tourna de son côté. Ses yeux exprimaient la confiance, et promirent ce qu’on demandait.

« Je suis convaincu, dit l’inconnu en se levant, que vous ne direz rien de ma visite à John Carker ; vous craindriez qu’il ne fût affligé de l’idée que je sais son histoire. Je serai bien aise qu’il ignore cette visite, car elle pourrait lui paraître singulière ; elle n’est pas conforme aux usages de ce monde, j’allais encore dire aux habitudes, dit l’inconnu en s’interrompant avec impatience, et il semble qu’il n’y ait rien de mieux à faire que de se conformer toujours aux usages du monde. »

En disant ces mots, il se dirigea vers la porte, le chapeau à la main, et prit congé d’elle. Il y avait dans cet adieu un heureux mélange de profond respect et de sincère intérêt que la politesse n’avait pu dicter, que la confiance ne pouvait méconnaître pour l’expression d’un cœur pur et sincère.

Cette visite réveilla dans le cœur de la sœur bien des impressions à moitié effacées. Il y avait si longtemps qu’aucun étranger n’avait passé le seuil de la porte ! Il y avait si longtemps qu’une voix amie n’avait fait résonner à son oreille des sons sympathiques ! Aussi la figure de l’inconnu lui revint-elle bien des fois à la pensée après son départ, pendant qu’as-