Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Si je sais bien des choses ! croassa la vieille, qui revint sur ses pas ; j’en sais plus que vous ne pensez. J’en sais plus qu’il ne croit aussi, lui, ma chère ; mais je vais vous conter ça tout à l’heure. Je sais tout ce qui l’intéresse. »

Alice sourit d’un air incrédule.

« Je sais ce que c’est que son frère, Alice, dit la vieille en allongeant le cou avec un regard effrayant de méchanceté. Celui-là aurait bien pu aller où vous êtes allée pour avoir volé de l’argent. Il demeure avec sa sœur, de l’autre côté, par là-bas, sur la route du Nord.

— Où ?

— Sur la route du Nord, hors de Londres. Vous pourrez voir la maison, si vous y tenez. Il n’y a pas de quoi s’en vanter, quelque gentille qu’elle soit, sa maison ! Non, non, s’écria la vieille qui voyait sa fille se lever, pas maintenant. » Et, en disant cela, elle branlait la tête et riait de toutes ses forces. « Pas maintenant, c’est trop loin, c’est là-bas près de la borne, il y a un tas de pierres. Demain, ma chérie, s’il fait beau et que vous soyez disposée… Mais il faut que je me dépêche de sortir.

— Arrêtez, dit la fille en se jetant au-devant d’elle avec cette expression de colère, qui était comme un feu dévorant. Sa sœur n’est-elle pas une grande et belle diablesse aux cheveux bruns ? »

La vieille femme étonnée et terrifiée fit signe de la tête que c’était bien elle.

« En effet, je vois en elle un reflet du visage de cet homme. C’est une maison rouge, seule dans la campagne ? devant la porte il y a un petit porche vert ? »

La vieille fit le même signe de tête.

« C’est là que je me suis assise aujourd’hui !… Rendez-moi l’argent !

— Alice, ma chérie !

— Rendez-moi l’argent, ou je vous frappe. »

Elle ouvrit de force la main de la vieille tout en parlant, et sans montrer le moindre souci de ses plaintes et de ses prières, elle reprit les vêtements qu’elle avait quittés et s’éloigna d’un pas rapide.

La mère la suivit tant bien que mal, lui adressant des remontrances qui ne produisaient pas plus d’effet sur elle que sur le vent, la pluie, l’obscurité qui les enveloppait. Inflexible et armée d’une ferme résolution, indifférente à ce qui se pas-