Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corpus, à toutes vos institutions, à l’Angleterre ! Heep !… heep !… heep !… hooray !…

À peine Obenreizer avait-il poussé cette dernière note du vivat Britannique, à peine l’ami muet avait-il savouré la dernière goutte contenue dans son verre, que le festin fut interrompu par un coup frappé à la porte. Une servante entra, apportant un billet à son maître. Obenreizer l’ouvrit, le lut, le tendit tout ouvert à son compatriote, avec une expression de contrariété visible. L’esprit engourdi de Vendale se réveilla tout à coup. Le jeune homme se mit à surveiller son hôte. Avait-il enfin trouvé un allié sous la forme de ce billet si mal accueilli par le Suisse ? Le hasard si longtemps attendu se présentait-il enfin ?

— J’ai bien peur qu’il n’y ait pas de remède, — dit Obenreizer à son compatriote, — et que nous soyons forcés de sortir.

L’ami muet lui rendit la lettre en levant les épaules et se versa une demi-rasade. Ses gros doigts s’enroulèrent avec tendresse autour du goulot de la bouteille, comme s’il voulait la presser amoureusement encore une fois avant que de lui dire adieu. Ses gros yeux considéraient Marguerite et Vendale comme à travers un brouillard. Il fit un terrible effort et une phrase entière sortit tout d’un trait de sa bouche.

— Je crois, — dit-il, — que j’aurais désiré un peu plus de vin.

Après quoi le souffle lui manqua. Il respira convulsivement et se dirigea vers la porte.

— Je suis blessé, confus, et au désespoir de ce qui arrive, — dit Obenreizer à Vendale. — Un malheur