Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/157

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semble que je n’ai point cessé de regarder le feu. Allons ! bon gré, mal gré, il faut nous lever, déjeuner, et partir. Quatre heures, Vendale, quatre heures passées !

Ces derniers mots, Obenreizer les lui cria de toute sa force pour achever de l’éveiller, car Vendale retombait déjà dans sa somnolence invincible. Tout en faisant les préparatifs de cette journée de voyage, tout en déjeunant, il semblait dormir encore. À la fin de ce jour, il n’avait point d’autres impressions de voyage que celles d’un froid rigoureux, du tintement des grelots des chevaux qui glissaient entre de maussades collines et des bois déserts. Çà et là, quelques stations où l’on s’arrêtait pour manger ou boire ; on entrait dans ces maisons borgnes ; on traversait d’abord l’étable pour arriver à la salle destinée aux voyageurs ; Vendale se laissait conduire machinalement, il ne se souvenait de rien, sinon d’avoir vu Obenreizer toujours pensif à ses côtés.

Lorsqu’enfin il secoua cette léthargie insupportable, Obenreizer n’était plus là. La voiture s’était arrêtée devant une nouvelle auberge, auprès d’une file de haquets chargés de tonneaux de vin et traînés par des chevaux harnachés de colliers bleus. Ce convoi semblait venir du point où se rendaient nos voyageurs. Obenreizer, non plus pensif, mais, tout au contraire, joyeux et alerte, causait avec les voituriers. Vendale s’étira longuement, son sang tout à coup circula mieux ; le reste de son engourdissement se dissipa après quelques pas qu’il fit au grand air, sous cette bise fortifiante… Pendant ce temps-là, la file