Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’autre chien regardait attentivement au bord du gouffre, raidissant ses pattes, tremblant de tous ses membres. Le premier revint sur la trace sanglante, et tous deux se mirent à courir en hurlant ; puis d’un commun accord, ils s’arrêtèrent tous les deux sur la margelle du précipice en poussant des gémissements prolongés.

— Quelqu’un est couché au fond de ce gouffre, — dit Marguerite.

— Je le crois, — dit le premier guide, — tenez-vous en arrière, vous autres, et laissez-moi regarder.

L’autre guide alluma deux torches qu’il portait dans son panier. Le premier en prit une, Marguerite l’autre ; ils regardaient de tous leurs yeux, abritant la torche dans leurs mains, ils la dirigeaient de tous côtés, l’élevant en l’air, puis l’abaissant brusquement. La lune, malheureusement, projetait autour d’eux une clarté qui contrariait celle des torches…

Un long cri perçant, jeté par Marguerite, interrompit le silence.

— Mon Dieu !… Voyez-vous là-bas, où se dresse cette muraille de glace… là au bord du torrent. Voyez-vous ?… il y a une forme humaine.

— Oui, Mademoiselle, oui….

— Là, sur cette glace… là au-dessous des chiens.

Le conducteur, avec une vive expression d’effroi, se rejeta en arrière ; tous se turent… Marguerite, sans dire un mot, s’était détachée de la corde.

— Voyons les paniers, — s’écria-t-elle. — N’avez-vous que ces deux cordes seulement ?