Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LE RIDEAU TOMBE.


C’est le premier jour de Mai. On se prépare à des réjouissances sans exemple au Carrefour des Éclopés. Les cheminées fument, la salle à manger patriarcale est tapissée de guirlandes de fleurs ; Madame Goldstraw, la respectable femme de charge, est dans le feu du combat. C’est aujourd’hui que le jeune maître du logis épouse au loin sa belle fiancée, — au loin, bien au loin, en Suisse, dans la petite ville de Brietz, au pied du Simplon, tout près de ce gouffre terrible d’où l’ont retiré vivant son courage et son amour.

Les cloches, à Brietz, sonnent à toute volée. Les rues sont pavoisées de drapeaux et retentissent du bruit de la musique et des carabines. Des tonneaux de vin ornés de banderoles laissent couler la précieuse liqueur sous une tente qu’on a dressée devant l’auberge, et l’on y prépare un banquet où tout le monde viendra s’asseoir.

Pourquoi ces cloches ? Pourquoi ces bannières ? Ces draperies aux fenêtres, ces coups de feu, et cet orchestre ? Pourquoi la petite ville est-elle en liesse ? Pourquoi le cœur de ces rustiques habitants est-il en joie ?

La nuit dernière, la tempête a mugi ; les montagnes sont de nouveau couvertes de neige ; mais le soleil brille, l’air est frais et embaumé ; les clochers