Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/47

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— Je ne l’ai jamais entendu… je ne l’ai jamais revue elle-même… je n’ai jamais reçu de ses nouvelles….

— Elle n’a donc rien dit lorsqu’elle a emmené l’enfant ?… Rappelez vos souvenirs, elle doit avoir dit quelque chose.

— Une seule, monsieur, une seule qui me revienne. Cette année-là, l’hiver avait été très cruel et beaucoup de nos petits élèves avaient souffert. Lorsqu’elle prit le baby dans ses bras, l’étrangère me dit en riant : « Ne soyez pas en peine pour sa santé. Il grandira sous un climat meilleur que le vôtre. Je vais le conduire en Suisse. »

— En Suisse ?… dans quelle partie de la Suisse ?

— Elle ne me l’a pas dit.

— Rien que ce faible indice… rien que ce fil léger pour trouver ma route… — murmura Wilding, — et un quart de siècle s’est écoulé depuis ce jour ! Que dois-je faire ?

— J’espère que vous ne vous offenserez pas de la franchise de mon langage, monsieur, — reprit Madame Goldstraw. — En vérité, je ne vois point pourquoi vous voilà si fort incertain de ce que vous avez à faire. Chercher cet enfant ! Qui sait s’il est en vie ? Et, monsieur, s’il vit, il ne connaît sûrement pas l’adversité. L’étrangère qui l’a adoptée était une femme de condition ; elle a dû prouver au directeur de l’Hospice qu’elle était en état de se charger d’un enfant, sans quoi on ne lui aurait point permis de le prendre. Si j’étais à votre place, monsieur, pardonnez-moi de vous parler si librement… Je me consolerais en songeant que j’ai